Purge by Sofi Oksanen

Purge by Sofi Oksanen

Auteur:Sofi Oksanen
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Hermès Clandestin
Publié: 2011-10-07T04:00:00+00:00


1949, ESTONIE OCCIDENTALE

Hans ne frappe pas Aliide,

alors qu’il pourrait

Le vent dans les bouleaux chassait les moineaux. La tête d’Aliide bourdonnait comme après dix nuits sans sommeil. À la porte d’entrée, elle ferma les yeux et bondit vers la petite chambre sans y voir, saisit la poignée à tâtons, fit tomber la scie pendue au mur, entra dans la chambre et ouvrit les yeux dans l’obscurité.

Devant le cagibi de Hans, l’armoire était à sa place.

C’est alors que la poitrine d’Aliide se mit à palpiter, sa lèvre supérieure était gercée, du sang lui jaillissait dans la bouche, ses doigts en sueur glissaient sur les flancs de l’armoire et elle entendait en même temps des bruits qui résonnaient dans la cuisine : le pas d’Ingel, le toussotement de Linda, le choc d’un bol, les pattes de Lipsi. L’armoire ne voulait pas bouger, Aliide dut la pousser avec les épaules et les hanches, elle grinça, une lamentation résonnait formidablement dans la maison vide. Aliide s’arrêta pour écouter. Le silence bourdonnait. Les bruits imaginés dans la cuisine se taisaient dès qu’Aliide arrêtait de bouger. Le plancher était déjà marqué par les déplacements continuels de l’armoire. Il allait falloir cacher cela. Sous les pieds de l’armoire, il y avait quelque chose. Aliide se pencha pour mieux voir. Une cale. Deux cales. Sous ces pieds, qui rendaient l’armoire un peu bancale. Quand Ingel les avait-elle fichées là ? Aliide les retira. L’armoire alors glissa facilement.

« Hans, c’est moi. »

Aliide essaya d’ouvrir la porte du cagibi, mais sa main en sueur n’avait pas prise sur les petites fentes pratiquées dans les plinthes.

« Hans. Tu m’entends ? »

Dans le cagibi, il n’y avait pas un bruit.

« Hans, aide-moi. Pousse la porte, je n’arrive pas à l’ouvrir. »

Aliide frappa, puis tapa sur la porte avec le poing.

« Hans ! Dis quelque chose ! »

Quelque part au loin, un coq cria. Aliide tressaillit et s’affola, cogna la porte. La douleur qu’elle ressentit à ses jointures résonna jusqu’à la plante des pieds, le mur fléchit, mais le silence du cagibi persistait. Finalement, Aliide alla chercher un couteau dans la cuisine, l’enfonça entre la porte et le chambranle et put enfin avoir prise sur les fentes des plinthes pour tirer. Elle ouvrit la porte. Hans était accroupi dans un coin du réduit, la tête sur les genoux. Ce n’est que lorsqu’elle le toucha qu’il leva la tête. Ce n’est que lorsqu’elle lui demanda pour la troisième fois de sortir qu’il tituba dans la cuisine. Et ce n’est que lorsqu’elle lui demanda ce qui s’était passé qu’il dit :

« Elles ont été emmenées. »

Un silence pareil, on n’en entendait pas dans une maison de campagne en plein jour. À peine un grattement de souris quelque part. Ils se tenaient au milieu de la cuisine, remplis d’un bourdonnement, leur respiration crépitait dans le silence et Aliide dut s’asseoir et appuyer sa tête sur ses genoux, car elle ne supportait pas le visage de Hans strié par les larmes de la nuit.

Le silence et les murmures



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